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Protectorat ottoman (1516-1830)
Au
14ème siècle, les villes côtières du
Maghreb, devenues plus ou moins autonomes, ne peuvent plus compter
sur leur arrière-pays révolté, conséquence
de la décomposition des dynasties berbères locales,
et se tournent alors vers la piraterie maritime.
Au 15ème siècle, l'incertitude politique et les
guerres inter-dynastiques favorisent l'implantation ibérique
au Maghreb et multiplie les bases d'occupation (Ceuta en 1415,
Tanger en 1471). En 1492, la Reconquista espagnole met fin à
sept siècles de colonisation arabo-musulmane dans la péninsule
ibérique. Les juifs et les musulmans ayant refusé
la conversion forcée furent expulsés d'Espagne par
les rois catholiques. La flotte espagnole poursuit les Maures jusqu'en Afrique du Nord et s'empare de plusieurs
ports maghrébins : Mers El Kébir et Agadir en 1505,
Oran en 1508, Bejaia et le Peñon d'Alger en 1512. Le Maghreb
en péril prend alors une décision
lourde de conséquences : Alger sollicite la protection de deux aventuriers
ottomans, Kheir Eddine
et Baba Arrouj (les frères Barberousse). A l'invitation
du souverain hafside de Tunis, ils s'établissent à
Djerba. En 1514, Aroudj s'empare de Djidjelli et, à l'appel
de ses habitants, devient le maître d'Alger en 1516 avant
de prendre Tlemcen où il est finalement tué en 1518
par les Espagnoles venus d'Oran. Son frère Kheir Eddine,
qui hérite d'une situation difficile, fait appel au Sultan ottoman
Selim et lui offre, en échange de son aide, de placer ses
"nouvelles possessions" et lui-même sous sa domination.
Le Sultan accepte, lui décerne le titre de Pacha, le nomme
beylerbey (gouverneur de province) et surtout lui envoie une armée
de terre et de mer moderne et disciplinée. Le nouveau maître
d'Alger restaure l'ordre religieux et politique et n'hésite
pas à noyer dans le sang toutes révoltes indigènes.
Il s'empara ensuite de plusieurs ports algériens, dont celui
de Bouna en 1522. L'on assiste alors à l'installation d'un
embryon d'Etat quasi-indépendant du pouvoir central ottoman,
connu sous le nom "d'El Djazaïr" ou "Régence
d'Alger". Le Capitan Pacha va dès lors écumer
la Méditerranée avec ses galères, pillant
les côtes latines et interceptant les pavillons chrétiens.
Il
convient de souligner la différence entre le pirate sans
fois ni loi, appelé forban en Méditerranée,
n'agissant que par intérêt personnel, et le corsaire
qui, au Maghreb, n'existe précisément qu'en vertu
de la foi pour le compte de l'Etat. La course est, en effet, une
des formes militaires de la guerre pratiquée par le Maghreb
contre les états chrétiens, ce qui lui confère
- en théorie - une dimension religieuse. Elle s'exerce
dans un cadre défini par un Etat assez fort pour en dicter
les règles, et contrôler leur application. Quoi qu'il
en soit, les activités des corsaires, comme celles des
pirates, consistaient à faire du butin et surtout des captifs.
Les femmes sont le plus souvent expédiées dans
les harems, les hommes utilisés comme exclaves domestiques
ou rameurs sur les galères, mais sont généralement
l'objet d'un rachat à négocier ultérieurement.
Bien qu'à cette époque les corsaires maghrébins
dominaient la Méditerranée, les corsaires
chrétiens, dont la composante la plus célèbre
est l'Ordre de Malte, tenaient eux aussi la mer et menaient leurs
croisades contre les galères barbarèsques. Des captifs
musulmans, dont ceux de Bouna, furent également enchainés et vendus comme
esclaves sur les place publiques européennes.
En
1535, l'Empereur Charles Quint envoya une escadre espagnole prendre
possession de Bouna. Au bout d'une semaine de pillage et de destructions,
la flotte espagnole regagna le large, laissant 600 hommes armés
de canons en garnison dans la Qasba afin d'empêcher toutes
tentatives de réoccupation de la forteresse par Kheir Eddine.
Pour couper tout contact avec l'extérieur, l'empereur ordonna
la démolition de la muraille qui joint la ville à
la forteresse. Cependant, face au blocus maritime imposé
par les Turcs et à l'hostilité de la population,
des dizaines de soldats espagnoles, décimés par
la faim, succombèrent à même l'enceinte de
la citadelle quasi assiégée. Au bout de cinq années
d'occupation désastreuse, Charles Quint finit par ordonner,
en 1540, l'évacuation de Bouna. Après le départ
de la flotte espagnole, les autorités turques fortifièrent
la ville et la dotèrent d'un modeste quai surmonté
par l'imposant Fort Cigogne. L'un des corsaires légendaires
qui juissait d'une grande popularité à Bouna en particulier fut le Raïs Mourad. Et c'est en représailles
à l'une de ses attaques que sera montée, en 1607,
la terrible expédition Franco-Toscane qui va prendre Bouna
et ses habitants aux cris de "Saint Augustin, Victoire, Victoire
". Dès le 17ème siècle, la Régence
d'Alger est confiée à un Dey résidant à
Alger et qui nommait un Bey à la tête de chacune
des trois provinces : l'Oranie, le Titteri (Médéa)
et le Constantinois. Quant à l'intérieur du pays,
les autorités turques se contentèrent de prélever
les impôts et réprimèrent les révoltes des tribus
arabes et kabyles.
Le
brigandage maritime irrite les puissances européennes.
De 1622 à 1825, plusieurs expéditions militaires
furent dirigées contre la Régence. Durant cette
période, Alger subira d'intenses bombardements des armadas
anglaises, françaises, danoises, espagnoles, américaines
et hollandaises. Le plus spectaculaire et le plus dramatique des
bombardements fut celui de la flotte anglo-hollandaise commandée
par Lord Exmouth en 1816. Il y eu plusieurs dizaines de victimes algéroises,
et un dégât considérable sur le port d'Alger.
Ces successions de canonnades sur la ville blanche n'apportèrent
guère de résultats convaincants. Alger souffre à
chaque bombardement naval mais y gagne une réputation d'invincibilité,
d'où son surnom : "El Djazaïr El Mahroussa"
(Alger la bien gardée). Plus que jamais les turcs sont
toujours là. Aussitôt les navires chrétiens
disparus à l'horizon, les corsaires construisent de nouveaux
chebecs et repartent sillonner les mers. Ainsi une minorité
de Turque régnait en despote pendant trois siècles
sur le Maghreb central et oriental et firent d'El Djazaïr, entre autres,
le plus redoutable port de course. En ce début du 18ème
siècle, qui inaugure la machine à vapeur et "le
siècle des lumières" en Europe, le Maghreb,
de plus en plus redoutée, infréquentable, exposé
aux expéditions punitives des pays latins, sera isolé
de l'Orient musulman et de l'Occident chrétien. Néanmoins, durant
ces trois siècles, qui correspondent à l'âge
d'or de la course barbaresque, l'idée dominante a longtemps
été celle d'un affrontement quasi permanent avec
la chrétienté. En effet, si les rapports avec les
Etats européens étaient toujours conflictuels, ils
se doublaient de relations commerciales régulières.
Dès 1535, le roi de France, François I, ose l'alliance
avec le Sultan turc Soleiman I pour combattre la flotte espagnole
de Charles Quint, leur ennemie commun. Moyennant une très
forte redevance annuelle, Soleiman I octroi à François
I des privilèges sur la côte algérienne, en
particulier le droit d'y faire des comptoirs pour le commerce
et la pêche, désignés plus tard sous le nom
de "Concessions d'Afrique". Ces comptoirs commerciaux,
dont le plus important était la Compagnie du Corail du
Bastion de France (Vieille Calle), suscitèrent cependant
des querelles interminables et furent souvent la cause ou le prétexte
des hostilités entre la France et la Régence jusqu'à
la prise d'Alger en 1830.
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