La présence juive en Afrique du Nord
Juifs Bône La présence juive en Afrique du Nord remonterait, selon la tradition, à la destruction du Temple de Salomon par le roi de Babylone, Nabuchodonosor, en -597. Persécutée, une bonne partie de la population juive se disperse en Mésopotamie. D'autres s'enfuient en bateau en suivant les sillages des Phéniciens bâtisseurs de Carthage. Ils s'établissent autour de la Méditerranée et font souche jusqu'en Afrique du Nord. La première synagogue d'Afrique serait l'actuelle "Ghriba" de Djerba, en Tunisie (Ghriba signifie en arabe l'étrangère, l'exilée ou encore la mystérieuse). Au fil des siècles, d'autres juifs du Proche-Orient et d'Europe se réfugièrent en Afrique du Nord. Ils s'y étaient berbérisés, sans se fondre toutefois parmi les autochtones dont certaines tribus se convertirent au judaïsme. Au 8ème siècle, les conquérants arabes sont maître de l'Afrique du Nord, peuplée alors par des populations païennes et judéo-chrétiennes. Les indigènes qui acceptèrent les traités de capitulation et qui conservèrent leur religion furent soumis à un statut particulier, celui de "dhimi" (protégé). Ce statut, accordée uniquement aux "Gens du Livre" (Juifs, Chrétiens, Zoroastriens, Sabéens) en terre d'islam, leur garantit, en théorie, la vie sauve, le respect de leurs biens et une relative liberté de culte. En échange, les dhimis doivent s'aquiter d'un impôt spécifique "jizya" (l'équivalent de la "zakate" chez les musulmans) et doivent une soumission absolue à l'autorité musulmane. Vis à vis des païens et polythéistes, l'alternative est en théorie exclusive : l'islam ou la mort. La plus grande vague des réfugiés juifs en Afrique du Nord intervient en 1492 après la prise de Grenade par les rois catholiques. En 1569, Livourne devient un port franc et accueille des réfugiés juifs portugais et espagnols. Cantonnés dans des quartiers à part, les juifs d'Afrique du nord étaient pour la plupart des modestes artisans. L'orfèvrerie était tout entière entre leurs mains, ainsi que le prêt à intérêts, interdit aux musulmans par la loi coranique. Mais il y avait aussi des familles fort riches, parmi lesquelles, sorte d'aristocratie à part, les juifs "francs", originaire surtout de Livourne, tels les familles Bacri et Busnach, jouissant de la condition d'étranger et bénéficiant de la protection des Consuls. Les associés Bacri et Busnach, rendent au dey d'Alger des services de toutes sortes et obtiennent en échange le monopole du commerce des céréales. C'est l'une de ces familles, qui avait fourni du blé algérien à la France (de 1793 à 1798), sans parvenir à s'en faire totalement régler le prix, à la suite duquel survint l'affaire du "coup d'éventail" et la prise d'Alger en 1830. En 1870, le Décret Crémieux accorda à 35000 israélites indigènes la nationalité française (Isaac-Jacob Crémieux, plus connu sous le nom d'Adolphe Crémieux, avocat, homme politique, président du Consistoire central et de l'Alliance israélite universelle). Les musulmans furent également invités à devenir Français à condition d'abandonner la loi coranique jugée incompatible avec les valeurs républicaines. Très peu acceptèrent ce choix. Cette naturalisation créée une discrimination inédite entre les juifs, élevés au rang de citoyens français, et les musulmans, ravalés au statut d'indigène de seconde zone.

Synagogue GhribaSynagogue GhribaGhriba2Parmi les communautés juives d'Algérie, celle de Bône serait une des plus anciennes. La synagogue de Bône était aussi nommée "la Ghriba", comme celle de Djerba. Sa renommée était due à une "Bible miraculeuse", datant du 18ème siècle, gardée précieusement en raison des propriétés prodigieuses qu'on lui attribuait. Voici ce que rapporte la légende de la Ghriba : "Pendant la période turque, un Maure de Bône, entrepris le pèlerinage à la Mecque. Pour le retour, il s'embarqua d'Alexandrie. Au nombre des passager se trouvait un juif, également de Bône, revenant de Jérusalem, porteur d'un coffret renfermant une Bible. Une tempête s'éleva au large d'Alexandrie, le navire périt, et de tous les passager, seul le Maure eut la vis sauve. A son arrivé à Bône, il raconta le naufrage et la mort du juif. Quelques jours après, une sentinelle turque remarqua un petit coffre que les vagues poussaient vers le rivage ; aussitôt il l'annonça au Qaïd, qui envoya quelques homme pour prendre ce coffret, mais en vain ; à chaque fois qu'ils voulaient l'approcher la boite reculait et disparaissait. Ce mystérieux phénomène dura plusieurs jours. Les Turcs se rappelèrent alors le récit du Maure au sujet du naufrage, du juif et de sa bible. Aussitôt le Qaïd fit venir quelques israélites et leur ordonna de s'emparer du petit coffre ; à peine s'y étaient-ils approchés, que le coffret s'avança rapidement vers eux ; ils le prirent et en sortirent la Bible ; ce miracle fit une telle impression sur le Maure qui avait fait le voyage avec le juif naufragé, qu'il fit élever à Bône à ses frais un édifice pour y déposer cette bible. C'est là l'origine de la synagogue de Bône, qui jouit auprès des Maures d'un respect tel que plusieurs d'entre eux viennent souvent en secret y faire de ferventes prières…". Depuis ce prétendu miracle, la ville hérita du surnom de "Bône la miraculeuse". En 1962, lors de l'exode des juifs d'Algérie, le Grand Rabbin de Bône (Rahamim Naouri) prit avec lui le "Sepher Thora" miraculeux et le déposera dans sa synagogue particulière à Paris. Les juifs de Bône au nombre d'environ 4000 en 1962, comme leurs coreligionnaires en Algérie, 150000 environ, optèrent, en effet, pour la France. Après l'indépendance, la synagogue est transformée en mosquée (Salah Eddine El Ayoubi).


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